Silgedicht // L’art du langage

Des définitions littéraires se découvrent

Humanisme

Terme apparu dans la langue française au début du XIXe siècle et traduit de l’allemand Humanismus. Il désigne d’une façon synthétique la culture savante et la vision du monde du XVe siècle italien (le Quattrocento) et du XVIe siècle européen.
Les humanistes ont d’abord en commun l’amour de la littérature (en latin : bonae litterae ou, expression plus significative, litterae humaniores : les lettres qui rendent plus humain).
Ils prennent pour modèles, presque insurpassables, les œuvres de l’Antiquité grecque et latine. Pas d’humanisme sans cet amour de la beauté littéraire. Bien entendu, ils s’efforcent de restaurer la connaissance de la langue grecque, ignorée du Moyen Âge. Plus audacieux, certains ajoutent l’héritage hébraïque à celui de Rome et d’Athènes. Mais l’humanisme n’est pas seulement l’amour des langues anciennes. Il apporte avec lui une philosophie où l’idée de « dignité de l’homme » (dignitas hominis ) tient une place essentielle. « On ne naît pas homme, on le devient », écrit Erasme. Cela signifie que l’homme possède une liberté dont il peut faire un bon ou un mauvais usage. Telle est l’idée majeure exprimée par Pic de la Mirandole dans son grand Discours de la dignité de l’homme (1496).

L’humanisme est inséparable de la recherche intellectuelle et morale. Quelle qu’ait été leur philosophie personnelle, les humanistes s’opposent en général à toute forme de dogmatisme. A cet égard, et surtout dans ses premiers livres, qui racontent la quête de Pantagruel et de Panurge, Rabelais est un humaniste.

Cette recherche de la vérité peut prendre des formes individuelles (Erasme) ou collectives : le mouvement des Académies, dont la plus connue est l’Académie platonicienne fondée à Florence par Marsile Ficin à la fin du Quattro-cento, est l’une des formes possibles que peut revêtir la réflexion collective. Les humanistes s’efforcent de créer également des lieux d’enseignements qui possèdent une liberté plus grande que les Universités (Collèges des lecteurs royaux, qui deviendra le Collège de France.

Presque tous les humanistes de la Renaissance ont été chrétiens. Dans la mesure où ils rejettent les commentaires proliférants et veulent revenir au texte de la Bible, lue en hébreu pour l’Ancien Testament, en grec pour le nouveau, ils se sont heurtés à l’enseignement officiel de la théologie, représenté en France par la Sorbonne. Ils ne pensaient pas que la révélation chrétienne s’opposât aux plus hautes philosophies de l’Antiquité, en particulier à celle de Platon. Socrate était un sage que l’on pouvait comparer à Jésus. Les humanistes les plus lucides, comme Erasme, distinguaient fort bien ce qui, dans l’Antiquité, était compatible avec le message chrétien, et ce qui ne l’était pas, l’épicurisme par exemple. Ils se réservaient donc un droit d’inventaire.

Un premier clivage oppose les idolâtres de la beauté littéraire, qui ne jurent que par Cicéron pour la prose et par Virgile pour la poésie, et ceux qui se soucient des « choses » (ce que l’on a à dire) plus que les mots. Montaigne appartient à la seconde catégorie, et avant lui Erasme. On a vu s’opposer ceux qui croyaient aux capacités de la langue française (Du Bellay et ses amis de la Pléiade) et ceux qui lui déniaient toute possibilité de devenir une langue artistique ou philosophique.

S’opposèrent aussi un humanisme du Nord, plus religieux, et un humanisme du Sud (italien) gagné parfois par certaines formes de paganisme. Pour plusieurs historiens, d’ailleurs, l’humanisme a vécu en Italie dès le sac de Rome par les armées de Charles Quint (1527). Non seulement parce que les bibliothèques et les églises furent pillés par la soldatesque, mais parce que les espoirs des humanistes dans un triomphe de la culture prennent fin à ce moment-là. En ce qui concerne la France, on a écrit parfois que les guerres civiles, qui commencent en 1562, sonnaient le glas du « beau XVI » et de l’humanisme. C’est oublier que les grandes entreprises (éditions de textes, travaux d’érudition) voient le jour à cette époque-là et se prolongent loin dans le XVIIe siècle.


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