Réalisme
Au sens général de « représentation de la réalité », le réalisme est de toutes les époques. Au XIXe siècle cependant, le réalisme fait figure de conquête et s’affirme comme une valeur esthétique, principalement dans le domaine romanesque. Ni Stendhal, ni Balzac ne sont réclamés du réalisme, le mot n’étant guêre employé en critique littéraire avant 1850. Ils n’en sont pas moins considérés à juste titre comme les créateurs du roman réaliste moderne.
La conception du roman comme « miroir que l’on promène le long d’un chemin » (Saint-Réal, repris par Stendhal), l’intérêt porté à la vie quotidienne, le goût du « petit fait vrai » (Stendhal), la précision des portraits et des descriptions, l’importance donnée à l’argent, l’insertion des personnage dans la réalité politique et sociale contemporaine, dessinent l’axe central de ce réalisme romanesque – préfiguré ou déjà présent dans bien des pages de roman français des XVI et XVIIIe siècles, notamment chez Charles Sorel (Histoire comique de Francion, 1623), Paul Scarron (Le Roman comique, 1651), Lesage (Histoire de Gil Blas de Stantillane, 1715-1735), Marivaux (Le Paysan parvenu, 1735-1736, La Vie de Marianne, 1731-1741), l’abbé Prévost (Manon Lescaut, 1731).
Dans les années 1850, « réalisme » devient une étiquette, et pour certains, un drapeau. En peinture avec Courbet, puis dans le roman, le réalisme désigne un mouvement qui, s’opposant à l’idéalisation moralisatrice ou sentimentale et aux conventions académiques s’attache à peindre de manière parfois provocante la réalité telle qu’elle est.
Par ses romans et ses articles réunis en 1857 sous le titre Le Réalisme, Champfleury (1821-1889), ami de Courbet, se fait pour un temps le porte-parole de ce courant. Durantu (1833-1880) reprend ses idées en les radicalisant dans les six numéros de la revue Réalisme (1856-1857). Se gardant de toute théorie, Flaubert donne en cette même année 1857 le chef d’oeuvre du réalisme avec Madame Bovary, montrant que, contrairement à ce qu’affirmait Champfleury, les exigences du style ne sont pas incompatibles avec la peinture du réel.
Dans le même temps, le mot « réalisme » se charge de valeurs négatives, connotant la vulgarité, voire l’obscénité : le tribunal blâme Flaubert pour « le réalisme vulgraire et souvent choquant » de son roman et condamne Baudelaire coupable d’« réalisme grosssier et offensant pour la pudeur ». A partir de 1865 et principalement sous l’influence de Zola, la querelle du naturalisme rejettera au second plan les débats suscités par le réalisme.
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