Poème en prose
L’expression date du XVIIIe siècle (où elle souligne la qualité poétique d’épopées en prose ou de romans comme La Princesse de Clèves), mais c’est seulement en 1842, avec les poèmes d’Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, qu’elle applique une forme poétique nouvelle et autonome. Un poème en prose est une structure qui forme un tout et qui est fondée non sur des phénomènes prosodiques et métriques, mais sur des recherches de rythme, de sonorités, d’images, qui sont propres à la prose au sens traditionnel du terme. C’est dans la seconde moitié du XIXe siècle que le poème en prose a véritablement pris son essor, avec les poèmes de Baudelaire, de Rimbaud, puis, au XXe siècle, de Claudel, Cendrars, Léon-Paul Fargue, Saint-John Perse, Francis Ponge, etc. Voici un court poème en prose de Max Jacob, à la fois plein d’humour et d’amertume, extrait de ses Derniers poèmes (1945) et intitulé « Amour du prochain »
Qui a vu le crapaud traverser une rue ? C’est un tout petit homme : une poupée n’est pas plus minuscule. Il se traine sur les genoux : il a honte, on dirait …? Non ! Il est rhumatisant. Une jambe reste en arrière, il la ramène ! où va-t-il ainsi ? Il sort de l’égout, pauvre clown. Personne n’a remarqué ce crapaud dans la rue. Jadis personne ne me remarquait dans la rue, maintenant les enfants se moquent de mon étoile jaune. Heureux crapaud ! tu n’as pas l’étoile jaune.
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